Arrêts maladie abusifs : comment une collectivité peut enfin enquêter
Dans de nombreuses collectivités, les directions RH sentent qu'un arrêt maladie abusif se niche derrière certains dossiers, sans réussir à le démontrer. Cet article décortique, côté terrain, comment une entité publique peut enquêter légalement, s'appuyer sur un detective prive et sécuriser la preuve judiciaire sans transformer la DRH en inquisiteur.
Un tabou coûteux : la fraude à l'arrêt maladie dans la fonction publique
On en parle à demi‑mot dans les couloirs des mairies et intercommunalités : ces agents toujours absents les veilles de vacances, ces congés longue durée étonnamment synchrones avec une activité parallèle, ces dossiers disciplinaires qui capotent faute de preuves tangibles.
La fraude aux arrêts maladie n'est pas anecdotique. Plusieurs rapports de chambres régionales des comptes évoquent, entre les lignes, son impact budgétaire et organisationnel. Ce n'est pas forcément massif, mais il suffit de trois ou quatre agents stratégiques qui « décrochent » pour désorganiser un service voirie ou une crèche municipale.
Et pourtant, combien de DGS se contentent encore de soupirer, faute de cadre clair, de moyens d'enquête ou, disons‑le, de courage juridique ?
Ce que permet réellement le droit administratif depuis 2014
Depuis l'arrêt du Conseil d'État du 16 juillet 2014 (n°355201), un tournant est acté : un employeur public peut recourir à un agent de recherches privées pour faire constater un comportement fautif d'un agent.
Traduction concrète :
- les rapports d'un détective privé sont recevables devant le juge administratif,
- ils peuvent alimenter un dossier disciplinaire ou un contentieux indemnitaire,
- ils complètent - sans les remplacer - les contrôles médicaux classiques.
Ce point est encore méconnu dans beaucoup de collectivités. On continue souvent à tout miser sur la contre‑visite médicale, alors qu'elle ne démontre qu'un état de santé à un instant T. Elle ne prouve ni une activité dissimulée, ni un cumul d'emplois privé/agent public, ni un détournement de mission.
Le recours à un cabinet comme Consilium Investigation permet de documenter précisément ces comportements, dans un cadre strictement légal et proportionné.
Les signaux faibles qui doivent alerter une collectivité
Toutes les absences ne sont pas suspectes. Mais certains faisceaux d'indices méritent un examen plus approfondi. En pratique, on retrouve souvent :
1. Des arrêts récurrents sur des périodes « stratégiques »
Enchaînement d'arrêts courts :
- avant ou après des ponts,
- à chaque pic d'activité saisonnière (inscriptions scolaires, élections, opérations de déneigement),
- toujours sur les mêmes types de pathologie floue (« troubles anxieux », « lombalgies ») jamais consolidée.
Pris isolément, ce n'est rien. Mais sur trois ou quatre ans, on commence à dessiner un profil d'évitement professionnel… ou de cumul très rentable.
2. Des rumeurs internes persistantes
Les collègues qui jurent avoir « croisé X au chantier chez un privé », l'agent en arrêt longue maladie qu'on voit volontiers tenir la buvette de l'association sportive le week‑end, ou animer des cours payants. La rumeur n'est pas une preuve - et heureusement - mais elle signale souvent une réalité partiellement visible.
À ce stade, le réflexe doit être la collecte structurée de renseignement, pas le café du commerce. C'est tout l'enjeu d'un travail d'intelligence opérationnelle mené proprement.
3. Des contradictions flagrantes dans le discours de l'agent
Entretien de reprise, mails envoyés pendant l'arrêt, utilisation des outils numériques de la collectivité : il n'est pas rare de constater un décalage entre le discours médical allégué et la réalité d'une activité parallèle.
Un exemple très banal : un agent déclaré inapte à tout port de charge qui poste sur les réseaux sociaux - publics - des photos de son chantier de rénovation immobilière. On est alors au croisement de l'OSINT (recherche en sources ouvertes) et de l'enquête de terrain.
Ce que peut - et ne peut pas - faire un détective privé
Contrairement à un fantasme persistant, un détective privé n'est ni un espion omniscient ni un policier bis. Sa force, c'est la rigueur procédurale et la traçabilité de la preuve.
Les investigations autorisées
- Surveillance et filatures dans les lieux publics ou accessibles au public, pour constater l'exercice d'une activité incompatible avec un arrêt maladie.
- Enquêtes de voisinage pour confirmer un rythme d'activité (ex. travail dissimulé chez un artisan local).
- Cyber‑investigation : analyse de traces numériques publiques (annonces professionnelles, profils réseaux sociaux, avis clients, etc.).
- Recueil de témoignages documentés, rédigés dans un format exploitable judiciairement.
Les lignes rouges à ne jamais franchir
Pas de pénétration dans un domicile privé, pas de captation sonore illicite, pas d'usurpation d'identité, pas de provocation. Toute preuve obtenue au mépris de ces principes sera non seulement inutilisable, mais fragilisera la collectivité devant le juge.
C'est précisément pour éviter ces dérives que le recours à un cabinet agréé par le CNAPS est central. L'agent public n'a aucun intérêt à jouer les apprentis enquêteurs.
Construire un dossier solide : la méthode par étapes
Étape 1 - Pré‑diagnostic juridique et RH
Avant toute chose, il faut documenter proprement :
- l'historique des arrêts (durée, fréquence, pathologies invoquées),
- les impacts sur le service (désorganisation, recours à l'intérim, surcharge d'autres agents),
- les éléments concrets déjà disponibles (courriels, planning, factures, rapports de médecins agréés).
C'est typiquement le moment d'un échange tripartite DGS - DRH - avocat publiciste. L'objectif : vérifier qu'il existe un début de légitimité à diligenter une enquête privée et définir clairement la mission.
Sur ce terrain, un cabinet comme Consilium Investigation intervient souvent en amont, en simple consulting : analyse de faisabilité, évaluation des risques, cadrage des objectifs.
Étape 2 - Rédaction d'un ordre de mission précis
Un bon ordre de mission :
- décrit le comportement suspecté (par exemple : cumul d'activités privées pendant un arrêt maladie),
- fixe une durée et des moyens raisonnables,
- précise les lieux à surveiller (uniquement publics ou ouverts au public),
- rappelle les exigences de légalité, loyauté, proportionnalité.
Ce document, souvent co‑construit avec l'avocat et le cabinet d'enquête, sera précieux en cas de contestation ultérieure.
Étape 3 - Conduite de l'enquête et rapport final
Sur le terrain, les enquêteurs procèdent par séquences : repérages discrets, premières surveillances, recueil d'informations périphériques. L'idée n'est pas de suivre l'agent jour et nuit, mais de cibler les créneaux pertinents (horaires supposés d'activité parallèle, jours d'événements sportifs, etc.).
Le rapport final :
- décrit factuellement chaque constat (lieu, date, heure, météo parfois),
- annexe, le cas échéant, des photographies ou captures d'écran légales,
- évite toute interprétation psychologique ou morale.
C'est cette sobriété descriptive qui lui donne sa force probante devant le juge administratif.
Un cas concret : la fausse lombalgie et le chantier le week‑end
Imaginons une communauté d'agglomération francilienne. Un agent technique, en arrêt pour lombalgies chroniques, est régulièrement signalé comme travaillant sur des chantiers de rénovation pour une société familiale. Les arrêts se superposent aux périodes de gros œuvre.
Après étude de faisabilité, la collectivité mandate un cabinet de détectives privés implanté en Île‑de‑France. Sur trois week‑ends consécutifs, les enquêteurs constatent :
- l'agent portant des sacs de ciment et montant un échafaudage,
- sa présence continue sur chantier,
- des échanges commerciaux visibles avec un maître d'ouvrage.
Les constatations sont consignées, photographies à l'appui, et croisées avec des éléments d'OSINT (avis Google, mentions sur les réseaux sociaux). Le rapport est transmis à l'avocat de la collectivité, qui enclenche une procédure disciplinaire et, le cas échéant, un recours indemnitaire pour préjudice financier.
Ce scénario, loin d'être théorique, ressemble à ce que nous voyons régulièrement sur le terrain à Paris, en petite couronne et au‑delà.
Que risque réellement l'agent fraudeur ?
On réduit trop souvent la sanction à une simple retenue sur salaire. En réalité, les risques sont multiples :
- Sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à la révocation selon la gravité et la récidive,
- Remboursement des rémunérations indûment perçues, sous réserve de la démonstration du caractère frauduleux,
- Sanctions pénales potentielles (escroquerie, fraude aux prestations sociales) dans les cas les plus graves.
Pour autant, l'objectif d'une collectivité responsable n'est pas de « décapiter » systématiquement. Il peut aussi s'agir d'assainir une situation, de négocier une rupture conventionnelle ou une réorientation professionnelle, à partir de faits enfin établis.
2025 : vers un contrôle plus serré de l'absentéisme public
Le contexte politique et budgétaire actuel va clairement dans le sens d'un resserrement : projets de réforme de la fonction publique, débats sur l'absentéisme dans les services publics, pressions des contribuables locaux. Plusieurs rapports, dont ceux de la Cour des comptes, plaident pour une meilleure maîtrise des arrêts maladie.
Les employeurs publics qui continuent à fermer les yeux par peur du contentieux prennent un double risque :
- budgétaire, évidemment,
- mais aussi managérial : les équipes qui « tiennent la boutique » finissent par se lasser de compenser pour les mêmes profils.
À l'inverse, ceux qui assument un contrôle ferme mais équitable, en recourant quand il le faut à des enquêtes privées encadrées, envoient un signal de justice interne. Ce n'est pas de la chasse aux sorcières, c'est du pilotage responsable.
Et maintenant, que faire dans votre collectivité ?
Si vous vous reconnaissez dans ces situations, la première étape n'est pas de commander des filatures à la chaîne. C'est de poser un cadre méthodique : état des lieux des dossiers sensibles, évaluation des enjeux financiers, choix des cas prioritaires.
Ensuite, rien n'empêche de tester une première mission d'enquête ciblée, sur un dossier emblématique, pour mesurer la valeur ajoutée d'un rapport d'agent de recherches privées dans votre contentieux disciplinaire. Vous saurez très vite si le jeu en vaut la chandelle… et, d'expérience, les chiffres parlent.
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